Légende : Représentation (...) des exploits de quelqu'un et qui se conserve dans la mémoire collective (source : Larousse)
Sa vie s'est arrêtée officiellement le 23 juin. En fait, elle s'est arrêtée il y a une couple d'années, lorsque son coeur et les métastases l'ont forcé à faire le (douloureux) deuil de sa vie active et de ses passions...
La cérémonie d'adieu que son fils Christian a organisée aujourd'hui était empreinte de sobriété, de sérénité, d'amour, d'amitié... De beaux et tendres témoignages pour un homme qui ne laissait personne indifférent. Son fils m'a demandé de parler du Charles des Iles de la Madeleine; j'ai spontanément dit oui, quoique devant la page blanche, j'ai eu de la difficulté à résumer en quelques paragraphes les nombreux souvenirs que j'avais de lui. C'a donné ceci :
Je
m'appelle Sylvie Bruneau et j'ai accepté de vous parler du Charles
des Iles de la Madeleine parce que même s'il est de notoriété
publique que Charles y a passé une trentaine d'étés, il semble
qu'il n'était pas très bavard sur ce qu'il y faisait, sur ce qu'il
y vivait. Je ne fais pas de planche à voile, mais j'ai passé
beaucoup d'heures sur le banc, avec Charles, à admirer le beau
spectacle des véliplanchistes sur la lagune du Havre-aux-Basques.
Fin
des années '90, je me souviens de Charles comme d'un homme qui
s'imposait dans le groupe. Le mâle alpha de la lagune. Sa compagne
d'alors était l'une des plus belles, et il en était fier. Il avait
la réputation de manoeuvrer des planches et des voiles
surdimensionnées des heures durant. Il avait exploré et
photographié tous les racoins des Iles, vu tant de couchers de
soleil. Très tôt le matin, s'il ne foulait pas une plage de ce
paradis, on pouvait le voir sur la Route 199 en patins à roues
alignées ou en vélo. Comment il est entré dans notre vie, à
Jacques, mon mari, et moi? Probablement parce qu'il fréquentait lui
aussi le Parc de la Yamaska. Année après année, on le retrouvait
avec plaisir, comme le reste de la belle gang. Charles et Jacques
sont rapidement devenus complices. Les deux compères, adeptes du
même style de planche, étaient inséparables.
Charles
ne faisait pas de camping comme les autres planchistes. Il était le
fidèle locataire estival de Jeanne d'Arc et Laurent qui lui cédaient
leur grande maison à Havre-Aubert, et lorsqu'ils n'ont plus été en
mesure de le faire, ils l'ont chaudement recommandé à une amie qui
a finalement accepté de louer sa maison à ce monsieur tranquille
et méticuleux. Et Charles savait soigner ses entrées chez ses
hôtes qui, en retour, le gavaient de gâteries madeliniennes. Il en
a mangé des pots-en-pot, du homard, des carrés aux dattes, des
galettes. Et même les petits bleuets sauvages que je ramassais
patiemment dans le champ de la lagune; il avait une façon bien à
lui de me les soutirer...
En
dépit de son franc parler et de ses commentaires quelquefois
cinglants sur les gens, Charles était un véritable gentleman,
prêtant sa chaise à une jeune maman, portant secours à une autre
qui lui en sera toujours reconnaissante. Il avait la cote avec les
filles.
Nous
n'étions pas là lors de son dernier séjour aux Iles en 2014, mais
on nous a dit qu'il n'avait déjà plus la force de faire de la
planche à voile. Certains l'ont surpris en pleurs sur son banc.
Quel deuil pour ce grand sportif qui, non sans déchirement, a posé
le geste ultime de céder son équipement à une petite famille de
planchistes passionnés. Un geste de renonciation, d'abdication face
à sa condition, mais surtout de grande générosité.
Ces
dernières années, la communauté des planchistes de la lagune a
assisté impuissante aux ravages de sa maladie. Et pour qu'on ne
l'oublie pas, elle a décidé de perpétuer son souvenir en apposant
une plaque sur LE banc sur lequel Charles a passé son dernier été,
le regard dirigé vers la lagune et ses voiles... Le banc
Charles-Codère.
Charles,
s'il y a un speed spot de l'autre côté, tu l'as sûrement trouvé
et tu t'y rends tous les jours. Et j'oubliais de te dire :
Sandra et Hugo, Sylvie et Simon, Denise et André, Marie-France et
Gervais, Raoul et Françoise, Christiane et Claude, Jacinthe et Dany,
Claude, Louis et Gilles, Linda et Alain, Karine et Jean-François, te
saluent et parleront de toi longtemps.
C'est ça qui nous trouble, Jacques et moi...
Je vais attendre un peu avant d'enlever son nom de mes contacts... le temps de réaliser son départ...